Une action en comblement de passif peut être engagée contre un dirigeant démissionnaire pour des faits postérieurs à sa démission dès lors que celle-ci n’a pas été effective (1)
Publié le :
10/02/2021
10
février
févr.
02
2021
Com. 7 octobre 2020 n° 19-14.291
Une action en comblement de passif peut être engagée contre un dirigeant démissionnaire pour des faits postérieurs à sa démission dès lors que celle-ci n’a pas été effective(1). Seules les dettes nées avant le jugement d’ouverture peuvent être prises en compte pour la détermination de l’insuffisance d’actif (2).
A l’occasion d’une liquidation judiciaire, la caractérisation de fautes de gestion permet au liquidateur d’agir contre le ou les dirigeants, au nom de la société, pour insuffisance d’actif.
Confrontés à une telle action, les dirigeants peuvent tenter de démontrer qu’ils ont cessé leurs fonctions.
(1) En l’espèce, la cessation des fonctions avait été décidée, mais elle n’avait pas fait l’objet d’une publication au registre du commerce et des sociétés.
L’arrêt d’appel1, avait considéré que la démission, faute d’avoir été publiée, n’était pas opposable au mandataire social.
Devant la cour de cassation, le dirigeant avant l’argument de la jurisprudence suivant laquelle l'inopposabilité résultant du défaut de publication ne concerne pas les faits et actes qui mettent en jeu sa responsabilité personnelle2.
Cette jurisprudence lui permettait effectivement de mettre en avant sa démission pour se dégager de sa responsabilité.
Cependant encore fallait-il que la personne mise en cause dispose du pouvoir de gérer pour que les fautes lui soient imputables.
Les faits sont têtus.
Si la démission a formellement bien eu lieu,celle-ci n’a pas été effective.
Bien qu’ayant démissionné, le dirigeant a continué de représenter la société en s’en déclarant officiellement le représentant légal, jusqu’à peu de temps avant l’ouverture de la procédure.
C’est pourquoi la cour de cassation considère que les juges du fond ont pu, à bon droit, constater que la personne mise en cause était restée en fonctions, en qualité de dirigeant de droit.
En d’autres termes, contrariée par ses actes, la démission était fictive et le défaut de publicité permettait de corroborer le faisceau d’indices factuels induisant la qualification de dirigeant de droit.
(2) L’arrêt d’appel est en revanche cassé en ce qu’il a fixé la part de l'insuffisance d'actif à 10 %de celui de l'insuffisance d'actif résultant du passif arrêté à la date du jugement d'ouverture, puis généré jusqu'au prononcé de la liquidation judiciaire au cours de la période d'observation.Pour la cour de cassation, de tels motifs, ne permettent pas de savoir si l'insuffisance d'actif a été déterminée en ne tenant compte que du passif né avant le jugement d'ouverture de la procédure collective.
La cour de cassation opère ainsi une interprétation stricte de la lettre de l’article L.651-2 du code de commerce.
Critiquée par certains auteurs3, cette solution doit être approuvée.
En effet, selon nous, cet arrêt ne contrarie pas outrancièrement la jurisprudence suivant laquelle «ni le jugement ouvrant le redressement judiciaire, ni celui arrêtant le plan de redressement n'exonèrent le dirigeant social de sa responsabilité et que les fautes de gestion commises pendant la période d'observation du redressement judiciaire, comme pendant l'exécution du plan, peuvent être prises en considération pour fonder l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif dès lors qu'elles sont antérieures au jugement de liquidation judiciaire»4.
Il convient de rappeler que dans la société liquidée, un changement de gérance a eu lieu.
Dès lors,si l’on peut considérer que le gérant démissionnaire est resté en fonctions jusqu’à peu de temps avant la date d’ouverture de la procédure, aucun élément ne permet de démontrer qu’il a participé à la gestion ultérieurement.
Même si l’arrêt est cassé pour manque de base légale, la ligne de partage dans le temps que retient la cour de cassation sur le fondement de l’article L.651-2 ramène le débat devant la juridiction de renvoi sur une appréciation de l’incidence des fautes effectivement commises par les dirigeants,eu égard au passif que chacun a pu respectivement créer.
On peut voir dans cette solution,la conséquence de ce que le dirigeant doit, à suivre la lettre de l’article L.651-2 du code de commerce, avoir «contribué à la faute de gestion» qui a elle-même «contribué à l’insuffisance d’actif».
Cette double précision, validée par le conseil constitutionnel5, fait que l’action pour insuffisance d’actif «diffère d'une action en responsabilité de droit commun en ce que le juge a la faculté, même après avoir retenu l'existence d'une faute de gestion commise par un dirigeant, de ne pas prononcer de condamnation ou de moduler le montant de la condamnation indépendamment du préjudice subi par les créanciers de la société en liquidation judiciaire, ce qui garantit une prise en compte proportionnée des circonstances de chaque espèce»6.
L’appréciation des juges du fond est donc souveraine quant à la détermination du quantum de la réparation, mais un contrôle de proportionnalité peut toujours être opéré par la cour de cassation notamment pour, comme c’est le cas en l’espèce, s’assurer de ce que la caractérisation du lien de causalité renforcé qu’exige l’article L.651-2 du code de commerce est légalement conforme.
Jean-Philippe Dom
Avocat à la Cour
Associé GFD-Avocats
Professeur de droit
David Nabeth
Avocat à la Cour
1 CA Bastia, 13 fév. 2019
2 Cass. com., 14 oct. 1997, n° 95-15.384
3 V. A. Mouial-Bassilana, note ss. l’arrêt commenté, BJS 2020, n° 121m8, p. 45.
4 Cass. com., 22 janv. 2020, n° 18-17030
5 Cons. const.,26 sept. 2014,n°2014-415 QPC
6 cass. com., 12 juin 2019, n°17-23.176
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